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Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/373

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LE DIABLE AU CORPS.


mes, femmes, tout ce qui la voit doit rafoller d’elle, et j’en rafolle aussi. Oui, ne vous en déplaise, M. Belamour, je suis ta rivale, et des plus décidées encore. Cela ne m’empêchera pas de te donner derechef le meilleur conseil… Ne soupire point : la Marquise est sensible : elle a le plus excellent cœur… mais elle déteste les gens à langueurs, à soupirs : tu n’es pas un homme d’une tournure ordinaire : il est permis à un grivois tel que toi de s’émanciper un peu…

(Elle lui prend la main.)


Viole, mon ami. Oui, dès que tu en trouveras l’occasion, viole, viole et reviole jusqu’à ce que l’on n’ait pas même la force de pouvoir feindre le moindre ressentiment de cette témérité.

BELAMOUR.

J’admire en vérité, Madame, comment votre imagination s’échauffe à tracer le plan d’une entreprise qui n’a pu seulement me venir en idée. Je sais trop ce que je dois à ma maîtresse et à moi-même[1].

  1. Cette opiniâtreté de la part de Belamour à cacher qu’il est bien avec la Marquise, paraîtra sans doute ridicule à nos roués, qui, loin de taire leurs bonnes fortunes réelles, se vantent assez volontiers de celles qu’ils n’ont pas ; mais il est bon de dire à ces Messieurs que l’homme qui desire le plus les femmes, et qui en est le mieux traité, est nécessairement le plus discret, parce qu’il compte pour tout le plaisir de les avoir. Ceux qui ne savent, ou ne peuvent pas jouir de ce bonheur, se font, de la jactance, un pis-aller méprisable : delà tant de femmes affichées, précisément pour des travers qu’elles ne se sont pas donnés.
La