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Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/543

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LE DIABLE AU CORPS.


n’allez pas croire qu’on vous destine à cela pour vos beaux yeux. Sachez qu’on ne veut de vous, qu’on n’en prise, qu’on n’en peut desirer que l’heureux et surprenant attribut dont l’aveugle Nature a fait la bévue de vous décorer. Sans votre archi-monacal engin, vous seriez, ne vous en déplaise, à cracher contre[1]. C’est lui qui vous sauva la vie quand j’eus, la premiere fois, pitié de vous, et ne voulus, ni vous étriper, ni souffrir que Belamour vous fendît la cervelle : c’est cet engin précieux qui vous a valu mes bontés, pour lesquelles le reste de votre personne n’est pas fait ; c’est lui qui les sollicitait d’une façon toute intéressante, tandis que votre masque me dissuadait de me montrer si bonne : c’est lui ! lui seul, qui va vous élever jusqu’à la possession permise d’une femme adorable… car, sous cet habit… elle sera sans doute assez folle pour vous croire Mahomet… Mais, pour Dieu, qu’il n’y ait de tout vous, que lui de mis en jeu dans cette affaire. Avisez-vous de faire le galant ou de prononcer un seul mot, le charme cesse et le but est manqué. Songez bien que Mahomet, dispensé d’ailleurs de savoir notre langue, peut et doit, dans son Paradis, faire les choses avec dignité, ne point se compromettre, se taire, et, du reste, agir sur-humainement ; traiter… (selon que le suppose et l’exige sa condition) une houri qui ne prend et ne donne du plaisir

  1. Voilà ce que vaut au sot Turc, la bêtise qu’il a eue de laisser appercevoir, devant une femme qu’il a, le contentement que lui donne l’avant-goût d’une autre fortune. Le dépit de Nicole est petit, mais pardonnable.