Aller au contenu

Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
52
LE DIABLE AU CORPS.


— Je poursuis donc. — Qu’êtes-vous devenu depuis si long-tems, Révérend ? D’où venez-vous ? où allez-vous ? — Je suis supérieur d’un couvent à deux lieues d’ici : je reviens de Cîteaux, et je vais retrouver mes moines. — Et moi, je vais voir mes grands parens à Aix : on change mes chevaux. — Ah ! pardon, M.me la Comtesse : mais j’espere que vous serez un peu moins pressée de vous éloigner. Votre ancien et dévoué serviteur n’aura pas eu le bonheur de vous retrouver si près de son séjour actuel, sans se flatter que vous daigniez un moment l’embellir ?

LA MARQUISE.

Comment donc ! Mais ce moine a de l’usage ! Un galant homme ne s’exprimerait pas mieux !

LA COMTESSE.

Il y a moines et moines, ma bonne amie. Un frocard, à besace, un vil mendiant, sorti de la lie du peuple, élevé dans la bassesse de ses parens et passant à celle du capuchon, n’a rien de commun avec les religieux de quelque ordre décent et riche. Ceux-ci, pour l’ordinaire, assez bien nés, jetés dans une carriere douce, où rien ne leur est refusé, où même ils peuvent cultiver d’heureuses dispositions, si la Nature leur en accorde, de tels moines peuvent être et sont quelquefois très-aimables.

LA MARQUISE.

Et je conçois que Dom Ribaudin était l’un de ces aimables-là ?