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Page:Nerval - Les Illuminés, Lévy, 1868.djvu/317

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J’ai laissé sur l’étalage ce moraliste qui aime les bêtes, et qui n’aime pas l’amour !

Nous venons de voir pourtant que le phoque est capable et d’amour et d’amitié.

Qu’arriverait-il cependant si l’on saisissait ce feuilleton pour avoir parlé un instant de l’amour d’un phoque pour sa maîtresse : heureusement, je n’ai fait qu’effleurer le sujet.

L’affaire du journal inculpé pour avoir parlé d’amour dans un voyage chez les Esquimaux est sérieuse, si l’on en croit cette réponse d’un substitut auquel on a demandé, ce qui distinguait le feuilleton de critique, de voyages ou d’études historiques, du feuilleton-roman, et qui aurait dit :

— Ce qui constitue le feuilleton-roman, c’est la peinture de l’amour. Le mot roman vient de romance. Tirez la conclusion.

La conclusion me parait fausse ; si elle devait prévaloir, le public répéterait ces vers des Rêveries renouvelées des Grecs :


Sans un petit brin d’amour
Finit la tragédie…
Ah ! quant à moi, je suis pour
Un petit brin d’amour.


Je suis honteux véritablement d’entretenir vos lecteurs de pareilles balivernes. Après avoir terminé cette lettre, je demanderai une audience au procureur de la République. La justice chez nous est sévère, dure souvent comme la loi latine (dura lex, sed lex), mais elle est française, c’est-à-dire capable de comprendre plus que toute autre ce qui est du ressort de l’esprit…


Admirez, s’il vous plaît, ma fermeté ; — je viens de me rendre au Palais de Justice.

On a souvent peur, en pareil cas, de ne sortir du parquet du procureur de la République que pour être guillotiné. Je dois à la vérité de dire que je n’ai trouvé là que des façons gracieuses et des visages bienveillants.