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Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/386

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à écouter, dit-il quelque part, et quand j’étais enfant, je pris, de bonne heure, ce goût sur les genoux blessés de mon vieux père. Il me nourrit d’abord de l’histoire de ses campagnes, et sur ses genoux je trouvai la guerre assise à côté de moi ; il me montra la guerre dans ses blessures, la guerre dans les parchemins et les blasons de ses pères, la guerre dans leurs grands portraits cuirassés, suspendus en Beauce dans un vieux château. » L’élévation, l’élégance exquise, la grâce, la pureté, et en même temps la vigueur, sont les qualités du talent de ce poëte, qui ne prodigue point ses œuvres et qui ciselle avec soin toutes les pierres qu’il emploie dans ses monuments. M. de Vigny réussit dans des genres différents. Dans une description d’une remarquable énergie, il peint ainsi le déluge :


Tous les vents mugissaient, les montagnes tremblèrent ;
Des fleuves arrêtés les vagues reculèrent
Et, du sombre horizon dépassant la hauteur,
Des vengeances de Dieu l’immense exécuteur,
L’Océan apparut. Bouillonnant et superbe,
Entraînant les forêts, comme le sable et l’herbe,
De la plaine inondée envahissant le fond,
Il se couche en vainqueur dans le désert profond,
Apportant avec lui, comme de grands trophées,
Les débris inconnus des villes étouffées ;
Et là, bientôt plus calme en son accroissement,
Semble dans ses travaux s’arrêter un moment,
Et se plaire à mêler, à briser sur son onde,
Les membres arrachés au cadavre du monde.


En même temps, dans Éloa, une de ses plus gra-