Aller au contenu

Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/63

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il se sert lui-même, un général d’armée qui n’avance qu’en se gardant. Tout se déduit, tout s’enchaîne dans son système d’idées, et son raisonnement a quelque chose de si méthodique, qu’il en devient quelquefois un peu lent. Ce tacticien de la logique ne craint pas de répéter sans cesse ses principes, afin de fortifier ses déductions et d’assurer le terrain sur lequel il marche ; mais il arrive souvent ainsi à de véritables découvertes en philosophie, et, en politique, à des prévisions qui pourraient passer pour des prophéties, tant elles sont circonstanciées, et tant l’événement a pris soin de les justifier. Ainsi, dès 1794, en publiant la Théorie du pouvoir politique et religieux dans la société civile, l’auteur annonçait des événements qui ne tardèrent pas à se réaliser : les malheurs prochains de la Suisse et la faiblesse réelle de cette société, malgré la réputation que quelques antiques faits d’armes lui avaient faite ; le peu de fond que les Provinces-Unies devaient faire sur leur puissance, même fédérative ; la chute de Venise et la séparation des Pays-Bas de la maison d’Autriche. C’est le triomphe de la logique transcendante appliquée à la politique, et M. de Bonald est ainsi souvent arrivé, comme Burke, à lire les conséquences dans les causes, ce qui est le dernier effort de la raison humaine, comme il l’a dit lui-même dans ces sages paroles qui établissent une barrière entre la philosophie de l’histoire et les vaines pronostications des esprits curieux : « La raison consiste à juger la nécessité des événements, et l’imagination à vouloir en assigner