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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/101

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TANTE GERTRUDE

qu’inattendu… Et la vieille horloge de l’Abbaye, frappant lentement douze coups dans le silence lugubre de la nuit, le surprit encore éveillé et songeur ?

« Oh ! Jean ! tu ne vas pas mourir, dis ? Je serai ta femme ! Je te jure que je n’aurai jamais d’autre mari que toi ! Je t’aime pour la vie !… »

Ainsi, il n’était pas le seul à se souvenir de ces serments d’enfant… elle aussi se rappelait !… Et sa voix, en les évoquant, s’était faite tendre comme au jour où elle les avait murmurés pour la première fois… Il avait retrouvé la même intonation caressante qui le remuait, le bouleversait !… N’avait-elle rien deviné ? Ne s’était-il pas trahi ?… Non ! Ses yeux clairs d’enfant n’avaient eu qu’un regard étonné et sympathique : rien que la politesse qu’une femme bien élevée témoignerait à un inférieur.

Thérèse non plus, sa confidente habituelle, n’avait rien compris à son trouble. Il lui faudrait veiller soigneusement, à l’avenir, sur ses moindres paroles, se méfier de son cœur et surtout commander à son visage, à l’éclat de ses yeux noirs, trop expressifs parfois… Comme il aimait Paule !… Elle s’était si bien emparée de son cœur depuis ces trois mois, qu’il ne s’appartenait plus ! Était-ce seulement de cette époque que datait son amour ?… Il lui semblait qu’il l’avait toujours aimée ! C’était toujours le beau visage de la jeune femme qu’il trouvait dans ses souvenirs les plus reculés…

Mais ce contact journalier avec elle avait singulièrement avivé ses sentiments. Il y avait quelque chose de si touchant à voir les efforts ingénus de Paulette pour satisfaire sa vieille tante ! Elle mettait un tel courage, une telle bonne volonté à s’appliquer à ce travail qui lui était imposé et pour lequel elle avait si peu de goût, si peu de dispositions !

Jean Bernard, en maintes circonstances, retrouvait l’enfant expansive, la créature aimante et charmeuse d’il y avait quinze ans ! La voix harmonieuse n’avait pas changé et c’étaient les mêmes remerciements affectueux lorsqu’il l’aidait pour un compte, une addition compliquée.

— Oh ! monsieur Bernard, que c’est bon à vous