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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/103

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TANTE GERTRUDE

elle savait l’amour de Jean pour Paule, et elle eût tout donné pour voir cette dernière y répondre. Mais, sous ce rapport, Mme Wanel restait impénétrable pour tous, même pour son amie à qui, pourtant, elle confiait ses secrets et ses moindres pensées. Plusieurs fois, Mlle Gertrude avait fait de certaines allusions à ce qui, disait-elle, réaliserait un de ses désirs : voir Thérèse épouser son régisseur. Paulette en dissimulant un soupir, avait répondu :

— Oui, ce serait bien la femme qu’il lui faudrait… Ils sont si parfaits tous les deux !…

Jamais l’orpheline n’avait parlé à Paule de sa résolution d’entrer au couvent — elle sentait que, sur ce point, elle ne serait pas plus en communion d’idées avec son amie qu’elle ne l’était avec la châtelaine — seul, Jean Bernard connaissait ses intentions à ce sujet. Et on eût dit que ces confidences échangées rendaient leur amitié plus franche, leurs rapports plus intimes, plus cordiaux. Ils causaient de leur avenir comme de bons camarades.

— Quand je serai religieuse, disait tranquillement Thérèse, vous m’amènerez Madeleine pendant les vacances. Quand vous serez marié, ajoutait-elle ensuite avec son bon sourire, vous m’amènerez votre femme, et je penserai à vous deux dans ma solitude… et je prierai pour vous…

Paule était loin de se douter du sujet dont s’entretenaient ainsi pendant des heures, qui lui semblaient des siècles, le régisseur et son amie… Elle les croyait secrètement fiancés et gardait une certaine rancune à Thérèse de ne pas le lui avouer, de paraître se méfier d’elle.

— Je n’ai aucun secret pour elle, pensait-elle tristement ; pourquoi en a-t-elle pour moi ?

Était-elle bien sincère, la jeune Mme Wanel, en parlant ainsi ? N’avait-elle pas, elle aussi, un secret pour son amie ?…