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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/107

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TANTE GERTRUDE

au milieu du feuillage. Jean et Thérèse s’attaquaient parfois à la même bougie, et c’était à qui des deux irait plus vite que l’autre.

Mme Paule n’est pas encore prête ? dit tout à coup Madeleine. Quelle vilaine coquette ! Elle fait sans doute une toilette extraordinaire !

— Je ne sais pas ce qu’elle a, remarqua Thérèse, elle ne m’a pas permis de l’aider ; on croirait qu’elle me boude depuis ce matin.

En ce moment, Mme Wanel parut à l’entrée de la salle et les jeunes gens eurent grand’peine à retenir un cri d’admiration.

Nulle expression ne pourrait rendre la beauté saisissante de Paule, comme elle apparaissait là, dans ce cadre de lumière et de verdure. Un corsage de cachemire blanc moulait sa taille fine et souple, tandis que les longs plis de sa jupe drapaient gracieusement son corps mince et élancé. Un fichu Lamballe en mousseline de soie blanche couvrait ses épaules et laissait apercevoir le cou dans un léger décolleté. Ses magnifiques cheveux d’or crêpelés, retenus par un simple ruban, lui formaient une sorte de diadème ; un seul bijou, un bracelet d’or d’un modèle antique et curieux encerclait un de ses bras nus. Mais ce qui ajoutait encore au charme merveilleux de la jeune femme, c’était l’éclat inaccoutumé de ses yeux, la lueur fiévreuse dont étincelaient ses prunelles d’ordinaire si douces, si caressantes. La bouche aussi, habituellement souriante et tendre, avait une expression de défi ; quelque chose d’étrange, de douloureux se lisait sur ses traits mobiles et un peu pâles.

— Peste ! ma nièce, s’écria Mlle de Neufmoulins en l’apercevant, tu t’es bien mise en frais pour les déguenillés qui vont venir. On croirait que tu attends un fiancé, un prince Charmant que tu veux éblouir à tout prix ! Tu perds ton temps, ma petite. Et ce n’est pas encore ce soir que tu trouveras chaussure à ton pied !

Sans répondre, Paule, s’avançant auprès de l’échelle, offrit son aide. Mais il n’y avait plus de place pour elle, lui déclara-t-on en riant.

— Puis vous êtes trop belle, ma chère ! ajouta gaiement Thérèse ; nous ne ferions plus rien que de