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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/130

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TANTE GERTRUDE

— Je suis libre, Jean ! Si ma tante me refuse son consentement, je m’en passerai.

— Elle m’accusera d’indélicatesse… elle n’aura pour moi que du mépris ! Elle croira toujours que j’ai tout mis en œuvre pour vous séduire…

— Je saurai bien la détromper ! déclara Paule fièrement. Je lui dirai que c’est moi qui vous ai demandé en mariage ! — et un sourire espiègle se dessina au coin de sa bouche rieuse. — On ! Jean ! vous aurez maintenant trois enfants !… Madeleine sera heureuse ! Elle me disait un jour tout bas : « Il faut aimer Jean, car il vous aime bien. » La chère mignonne ! Elle ne se doutait pas que vous aviez pris tout mon cœur !

Pendant longtemps la voix caressante de Paule avait ainsi bercé délicieusement les oreilles du jeune homme des aveux naïfs de son amour, aussi frais que son âme candide. Il avait appris l’indiscrétion de son amie Thérèse, mais il était trop heureux pour lui en vouloir.

Puis, Paule était partie, toute réconfortée par ses encouragements, ne craignant plus rien, ayant presque oublié l’accès de désespoir qui l’avait amenée auprès de Jean. Il lui avait dit de prendre patience, de se montrer pleine de déférence à l’égard de Mlle de Neufmoulins, qui ne mettrait sans doute pas sur-le-champ sa menace à exécution.

Et elle l’avait quitté les yeux ravis, se retournant sur le seuil pour lui adresser encore un geste d’affection…

Resté seul, Jean était tombé dans une rêverie si profonde qu’il ne s’était même plus souvenu de ses devoirs : la vieille châtelaine l’avait attendu en vain.

Paule l’aimait !… Il y avait déjà quelque temps qu’il s’en doutait, mais il n’osait y croire. Il n’avait pas été sans s’apercevoir de l’empire qu’il exerçait sur la jeune femme, de la confiance qu’elle lui témoignait en toutes circonstances, de l’importance qu’elle attachait à ses moindres approbations, mais il n’eût jamais rêvé un amour si entier, si absolu… Et maintenant qu’il le savait, il en était presque effrayé… Qu’allait-il faire ?