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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/20

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TANTE GERTRUDE

testament de son oncle, avait été au moins aussi grand que celui de Mlle Gertrude. Celle-ci avait continué de voir Paule après son mariage. Elle ne lui ménageait ni les conseils ni les reproches, la morigénant sans cesse. La jeune femme qui aimait la vieille fille malgré son caractère grincheux, acceptait tout cela très philosophiquement et n’en agissait qu’à sa guise. Elle la savait avare, âpre à la richesse, aussi comprenait-elle la déception que ce singulier testament lui avait causée. Mais Mlle Gertrude n’avait rien à craindre : jamais Paulette n’épouserait ce Ponthieu qui semblait un mythe et dont on ne retrouvait même plus la trace. Depuis quelques mois elle se regardait comme fiancée au lieutenant de Lanchères ; de bonne famille, possédant une assez belle fortune, ce jeune officier lui rouvrirait les portes de ce monde qui lui avait tenu rigueur depuis son mariage avec l’industriel. L’aimait-elle ? Mon Dieu, non ! Cette question lui était indifférente, d’ailleurs. Est-ce que l’amour existait autre part que dans les romans…

Intelligente et douée d’un certain esprit d’observation, Paulette n’avait pas été sans remarquer les travers de son prétendant ; mais bah ! que lui importait ! M. de Lanchères aimait le monde et le luxe, il la laisserait satisfaire tous ses goûts ; pouvait-on en demander davantage ? Frivole à l’excès, la jeune femme redoutait surtout un époux sérieux et chagrin qui eût mis un frein à ses excentricités comme à ses folles dépenses.

— J’ai peur des croquemitaines, disait-elle souvent en riant de son rire d’enfant, si frais et si séduisant, j’aime mieux les jeunes fous, les écervelés !

Et quand sa tante haussait les épaules en grondant :

— Quelle ridicule poupée tu fais, Paulette !

Elle répondait gaiement :

— Que voulez-vous, ma tante, ce n’est pas ma faute !

— C’est pour cela qu’il te faudrait un mari sérieux, un maître…

— Brrou ! Non, non, ma tante, il me mettrait en pénitence !