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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/25

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TANTE GERTRUDE

d’été. Tout en écoutant le chant des oiseaux dans les grands arbres touffus, elle babillait joyeusement, insouciante des admirations comme des critiques dont elle pouvait être l’objet. Derrière les jalousies baissées de leur vieil hôtel, les grandes dames de l’endroit, jeunes et vieilles, déchiraient à belles dents Mme Wanel.

— Regardez-moi cette effrontée, s’écriait l’une d’elles. Oser se compromettre de la sorte. Et ce Lanchères, à quoi pense-t-il donc ?

— Quelle odieuse créature ! maugréait une autre. Il n’y a rien qui vous fasse horreur comme ces natures vénales qui ne vivent que pour l’argent.

Effrontée et vénale ?… Elles se trompaient ; Paule n’était ni l’une ni l’autre, il n’y avait qu’à l’approcher quelques instants, qu’à examiner son beau visage d’une pureté idéale pour être convaincu de son innocence d’enfant. Ces grands yeux d’un bleu violet avaient une expression de candeur, on pourrait presque dire d’étonnement ingénu, qui donnaient à la jeune femme le charme si séduisant qui se dégageait de toute sa petite personne.

On ne pouvait pas non plus l’accuser de vénalité. Elle aimait l’argent naïvement, comme un enfant qui aime un jouet pour le plaisir qu’il procure. Habituée dès sa plus tendre jeunesse au luxe et à toutes les recherches du confort moderne, elle ne comprenait pas qu’on pût s’en passer ; il lui semblait aussi nécessaire à sa vie que l’air qu’elle respirait, et lorsqu’à la mort de ses parents elle en avait été privée soudain, elle avait trouvé très naturel d’accepter la main du riche industriel Wanel qui le lui procurait de nouveau. C’est en vain qu’on lui avait représenté la vulgarité de l’individu, qu’on lui avait parlé des bruits qui circulaient sur l’origine douteuse de son immense fortune, Paulette n’avait voulu rien écouter.

— Le monde est méchant, avait-elle répondu en hochant sa jolie tête blonde ; il critique tous ceux qu’il jalouse. Il est très bon ce M. Wanel de me proposer ainsi de l’épouser, moi qui n’ai pas un sou à lui apporter. J’aime mieux être sa femme et partager sa fortune que de rester chez un vieil