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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/37

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TANTE GERTRUDE

tueux, où il n’était pas entré depuis quinze ans. auprès de cette cheminée monumentale que tous les touristes venaient admirer, recevant les hommages et les félicitations des seigneurs voisins.

Et l’image de celle que tous saluaient comme la comtesse de Ponthieu, lui apparut alors dans sa radieuse beauté !… Il revit le visage aux traits si fins et si purs, les grands yeux de velours pleins de douceur, la bouche tendre au sourire caressant, la taille souple et gracieuse, la démarche élégante de Paule… Il se sentit envahi par un désir étrange, irrésistible de contempler, ne fût-ce qu’un instant, la ravissante créature dont le souvenir le poursuivait sans cesse depuis son refus brutal d’unir sa destinée à la sienne… Il eût tout donné pour savoir ce qu’elle avait pensé de ce testament, il ne s’en était même pas informé ! Pourquoi ? Ne l’avait-il pas blessée par cet oubli dédaigneux ! Comment avait-elle jugé sa conduite en ces circonstances ? Elle avait dû le trouver assez mal élevé. Il n’avait pas eu avec elle les simples égards que tout gentilhomme doit à une femme…

Mais il se calma tout à coup : la jeune fille qui avait consenti à épouser un Wanel pour avoir sa fortune, devait ignorer tout sentiment délicat, et il était vraiment bien naïf de les lui prêter ! Après tout, les choses étaient bien comme il les avait voulues… Mieux valait endurer l’humiliation de s’appeler Bernard l’intendant, que de donner ce beau nom de Ponthieu à qui n’en était pas digne !

Et toute trace de cet orage qui avait bouleversé le cœur de Jean avait disparu ce soir-là, comme il écoutait, un peu triste encore, mais résigné, la voix vibrante de Madeleine chantant gaiement une ronde populaire que Gontran accompagnait au refrain.