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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/50

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TANTE GERTRUDE


CHAPITRE V


— Une lettre pour vous, monsieur Bernard.

Et le facteur, qui avait trouvé les portes ouvertes au Castelet, entra sans façon dans le bureau où le jeune régisseur se chauffait frileusement auprès du poêle de faïence.

— Triste saison, monsieur Bernard, continua l’homme, surtout pour nous autres.

— Approchez-vous du feu, Martin, et reposez-vous un moment, répondit Jean Bernard, qui lui avait avancé une chaise. Je vais vous faire préparer une tasse de café, ça vous fera du bien.

— Vous êtes bien bon, monsieur Bernard, et si tous les maîtres étaient comme vous, ça serait heureux pour le pauvre monde.

La vieille bonne, que le régisseur avait avertie, entra bientôt, apportant une tasse fumante qu’elle tendit au facteur.

Celui-ci, confus, s’excusa, ne sachant où poser sa casquette couverte de neige.

— Je serais allé à la cuisine, monsieur Bernard, murmura-t-il, je vais tout salir ici.

— Bah ! laissez-donc, mon brave, c’est peut-être la dernière fois que je vous vois.

— Alors, comme ça, monsieur Bernard, si ce n’est pas indiscret de vous en parler, vous partez bientôt ?

— Demain ou après-demain, répondit le jeune homme, en poussant un soupir involontaire, tandis que son regard rêveur errait tout autour de lui. Vous voyez d’ailleurs que mes meubles sont emballés.

— Et, sauf vot’ respect, monsieur Bernard, allez-vous bien loin ? demanda l’homme avec une sorte de timidité.

— Je ne sais pas… je n’ai pas encore décidé, répondit Jean d’un ton contraint.

Le facteur qui avait fini son café et se sentait