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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/52

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TANTE GERTRUDE

sympathie ajoutait encore à son chagrin, mais qu’était-ce cela auprès de la torture causée par le sentiment de son impuissance à assurer l’existence de ceux dont la vie lui était plus chère que la sienne ! Le malheureux avait passé la nuit entière dans ces angoisses et il n’avait, ce matin, pu toucher au déjeuner préparé par sa vieille bonne.

En jetant un regard désespéré sur les quelques meubles prêts à être chargés qui encombraient son bureau, il aperçut soudain la lettre apportée par le facteur et à laquelle, dans son trouble, il n’avait prêté aucune attention. Il l’ouvrit machinalement en poussant un soupir, mais, comme il lisait, ses yeux s’animèrent d’une véritable stupeur, tandis qu’il en dévorait fiévreusement le contenu :


« Je suis tombée par hasard sur l’annonce que vous avez fait insérer dans le Gaulois, disait la lettre, et, comme je suis justement à la recherche de ce singulier personnage qu’on appelle régisseur ou intendant, mais qui n’est presque toujours qu’un effronté voleur, je me suis décidée à vous écrire. Le prince d’A…, d’après les renseignements que j’ai recueillis, n’était pas un imbécile, et s’il vous a gardé six ans à son service, c’est qu’il a reconnu, sans doute, que vous ne le voliez pas sur une trop grande échelle !

« J’ai hérité de mon frère une propriété immense, dont les revenus, d’après ce que j’ai pu voir, ont passé, jusqu’ici, en grande partie dans la poche de l’intendant qui le volait sans vergogne. J’ai la prétention de penser que mes revenus doivent rentrer dans ma caisse. En conséquence, je vous offre de venir chez moi pour m’aider à toucher ce qui me revient, vous engageant à me voler le moins possible, de façon, au moins, que je ne m’en aperçoive pas.

« Vous me direz ce que vous gagniez chez votre prince, et comme j’ai une fortune qui me permet d’agir en princesse — quoique je ne le sois pas ! — je vous donnerai ce qu’il vous donnait. Je vous préviens que toutes mes informations sont prises,