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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/66

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TANTE GERTRUDE

pouvait détacher ses yeux de l’adorable créature à qui ces diamants, ces bijoux, ces dentelles convenaient si bien, et dont ces ornements rehaussaient encore la merveilleuse beauté.

Il en voulait secrètement à Mlle Gertrude de ses critiques désagréables et des remarques désobligeantes avec lesquelles elle ne manquait jamais d’accueillir sa nièce.

Mais celle-ci ne semblait pas s’en inquiéter ; elle protestait en riant et s’écriait :

— Oh ! tante Gertrude, ne dites pas que je ne suis pas jolie, car vous le pensez tout bas ! D’ailleurs, mon miroir me l’a dit, et il ne ment jamais ! N’est-ce pas, Thérèse, que ma toilette est réussie ? M. de Lanchères, qui s’y connaît, l’a trouvée parfaite !

Là-dessus, elle embrassait Thérèse et Mlle Gertrude, puis s’inclinait gracieusement devant le jeune régisseur ; elle se sauvait au milieu d’un délicieux froufrou de soie et de dentelles. La châtelaine haussait les épaules d’un air de pitié, mais elle ne parvenait pas toujours à cacher l’admiration muette qui se trahissait malgré elle dans son regard perçant et railleur.

— Si on a l’idée d’une pareille poupée ! marmottait-elle en se remettant à ses cartes. Dieu vous préserve du mariage, jeune homme ! continuait-elle avec emphase. Et surtout que votre sœur ne soit pas affligée d’une semblable cervelle d’oiseau.

Depuis l’arrivée de Madeleine, elle avait accaparé l’enfant, la questionnant sans cesse sur sa vie passée, ses parents, ses études, que sais-je ! La petite, heureuse de bavarder, ne tarissait pas. Elle racontait la mort de sa mère, l’indifférence d’un parent riche — qui aurait pu faire quelque chose pour eux, avait dit son frère — mais les avait laissés dans la misère ; puis le dévouement de Jean, sa vie de privations, son oubli complet de lui-même.

— Tout pour nous, pour « ses enfants », comme il nous appelle, répétait la petite les joues animées, une lueur d’affection reconnaissante dans ses yeux noirs, rien pour lui ! La vieille Margotte, la bonne que lui avait donnée le prince, est venue un jour me