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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/74

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TANTE GERTRUDE

Paulette avait tout supporté avec une résignation touchante. Elle n’avait pas eu une révolte ; pas une parole amère n’était sortie de sa bouche pour flétrir la mauvaise foi de ses hommes d’affaires dont elle avait été la victime et la dupe.

Un étonnement douloureux avait passé dans ses grands yeux clairs lorsqu’elle avait reçu une lettre cérémonieuse de son fiancé, M. de Lanchères, qui la remerciait en termes filandreux de l’honneur qu’elle avait bien voulu lui faire le jour où elle avait accepté l’offre de sa main : il se voyait malheureusement dans l’obligation de renoncer à une union qui eût mis le comble à ses vœux, des circonstances indépendantes de sa volonté ne lui permettant pas de songer à se marier pour le moment…

— Pourquoi ce garçon m’épouserait-il, maintenant que je suis pauvre ? murmura-t-elle.

On avait pensé d’abord que la propriété, le château au moins, lui restait ; mais on n’avait pas tardé à découvrir que tout était hypothéqué au delà de la valeur.

— Mais tu n’as pas eu honte d’agir de la sorte ? gronda Mlle Gertrude en apprenant ce désastre complet.

— Je n’en savais rien, balbutiait Paulette étonnée, interdite.

— On n’a pourtant pas pu hypothéquer tous tes biens sans ta signature ! Pourquoi l’as-tu donnée, malheureuse ?

— Que voulez-vous, tante Gertrude, j’avais confiance en mes hommes d’affaires. Je me souviens bien qu’ils me présentaient souvent des papiers à signer, je ne les regardais même pas ! j’étais toujours pressée ! j’y mettais bien vite mon nom et je n’y pensais plus.

— Triple sotte ! idiote ! C’est bien fait ! Tu n’as que ce que tu mérites ? Tu n’étais vraiment pas digne de posséder une telle fortune ! On n’a pas l’idée d’une incapacité pareille ! Tant pis pour toi, ma petite ! tu récoltes ce que tu as semé ! tu n’as pas le droit de te plaindre.

— Je ne me plains pas non plus, ma tante, déclarait doucement Paulette.