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TANTE GERTRUDE

contemporaine du châle, elle marmottait de sa voix ironique et railleuse :

— Ce Jean Bernard, quel avocat ! quel avocat ! Est-ce que les beaux yeux de ma nièce ?… Oh ! ces hommes ! ils sont tous les mêmes ! Jusqu’aux plus sérieux qui ne peuvent répondre de ne pas se trouver un jour empêtrés dans un cotillon !

Celle qui fut bien étonnée, ce soir-là, ce fut Paulette.

— Ma petite, déclara sa tante en pénétrant pour la première fois dans la maisonnette depuis que Mme Wanel y était installée, il paraît que tu ne sais même pas te conduire toute seule ! Dans ce cas il faut te remettre en tutelle ; je me charge de tout ! Tu vas déménager d’ici et venir avec moi ; d’ailleurs, mon ancien domicile, auquel je tiens beaucoup, finirait par tomber en ruine avec une locataire de ton espèce ! À Neufmoulins, je pourrai te surveiller de près et mettre ordre à tes dépenses. Quant à vous, continua la vieille fille, en se tournant vers la bonne, qui était entrée sur ces entrefaites, voilà les gages que ma nièce a été assez naïve pour vous promettre — et elle lui jeta presque à la figure les cent cinquante francs en pièces d’or. Allez chercher vos nippes et débarrassez-moi le plancher sur l’heure. On pourra brûler du sucre ici ! Pouah ! Quelle horreur que cette servante ! Décidément, ma nièce, tu n’as la main heureuse en rien ! et je ne te félicite pas de ton personnel. Maintenant je vais t’aider à emballer les choses indispensables, et demain Thomas viendra chercher le reste. Je t’emmène, mais, tu sais, avec moi, il faudra marcher droit !

Le soir même, Paulette, qui n’était pas encore revenue de sa surprise, dînait en compagnie de sa tante, de Thérèse et du jeune régisseur, le commensal ordinaire de la châtelaine.

Quand les deux amies se furent retirées dans leur chambre, Mme Wanel, heureuse de la solution apportée à ses embarras inextricables, se jeta avec effusion au cou de Thérèse, ne sachant comment lui exprimer sa reconnaissance pour la bonté de sa tante, qu’elle attribuait à l’intervention de la jeune fille. Celle-ci reçut d’un air un peu contraint