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Page:Nichault - Anatole.djvu/236

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toutes les consolations de ma vie. Avec quel plaisir je rendais compte à cette tendre mère de tous les progrès de son enfant ! Et comment vous peindrai-je la joie qui pénétra mon âme, lorsqu’après dix années d’absence, je conduisis cet aimable jeune homme dans les bras de sa mère. Je crus qu’elle succomberait à l’excès de son bonheur, en retrouvant dans son fils la sensibilité, l’esprit, et toutes les qualités qui le mettent au rang des gens les plus aimables. Dans sa reconnaissance pour l’abbé de l’Épée, elle aurait voulu pouvoir lui faire accepter sa fortune entière ; mais on sait que le désintéressement de ce philosophe égalait sa bienfaisance. À cette époque, je fus rappelé en France pour le mariage de ma nièce, et quelques affaires de famille, dont le résultat vint augmenter de beaucoup ma fortune. J’appris, peu de temps après, la mort du duc de Linarès, et la faveur dont le roi d’Espagne venait d’honorer son fils, en employant ses talents dans la diplomatie. Il avait alors vingt ans, et le séjour de la cour commençait à devenir dangereux pour lui ; plusieurs des femmes qu’il y rencontrait sans cesse, affectaient d’abord de le traiter avec le dédain ou la protection qu’on a pour un infirme ; mais s’apercevant bientôt que ce défaut était racheté par les agréments et les qualités les plus séduisantes, on les voyait changer de manières et devenir aussi prévenantes pour lui qu’elles avaient paru dédaigneuses. Sa fierté naturelle le garantit quelque temps des piéges de la co-