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Page:Nichault - Anatole.djvu/270

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me suis engagée à conduire ce soir Isaure à l’Opéra ; c’est une récompense depuis longtemps promise, je ne saurais manquer à ma parole : madame de Réthel vient de s’engager à nous y accompagner, et si la duchesse ne doit se rendre qu’à dix heures chez vous, nous nous y trouverons avant elle.

— Puisque cet arrangement est celui qui vous convient le mieux, reprit le commandeur d’un air piqué, je vais tout disposer pour satisfaire au vœu de mon ami, sans nuire à vos projets.

À ces mots, Valentine quitta le commandeur, sans paraître remarquer le mécontentement qu’il témoignait.

— Voilà bien les femmes ! s’écria-t-il, lorsqu’elle fut partie : exaltées jusqu’à la folie, quand l’amour les domine ; insensibles jusqu’à la dureté, quand le prestige de leur imagination est détruit.

À l’heure du spectacle, la marquise et son amie font de vaines instances pour le déterminer à leur donner la main ; il s’y refuse en disant que de tristes adieux à faire le privent de l’avantage de partager les plaisirs de ces dames. Après plusieurs phrases de ce genre, fort bien comprises de Valentine, il la voit s’éloigner sans en obtenir d’autre réponse que ces mots : À ce soir. Blessé de tant de marques de légèreté, il veut en faire le récit à son malheureux ami, et lui prouver qu’il ne peut sans crime sacrifier le bonheur de sa famille entière au regret de n’être point aimé d’une femme ingrate. Dans ce dessein, il se fait conduire chez Anatole, et n’apprend pas