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Page:Nichault - Anatole.djvu/28

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ses romances mauvaises, ou ses couplets mal rimés ! on savait bientôt le nombre de tous leurs ridicules.

Aucune des personnes qu’avait réunies madame de Nangis n’eut à craindre cette vengeance de la part du chevalier. L’enchantement fut général : chaque couplet offrait une application que ces dames interprétaient à leur gré. Celles que la flatterie du chevalier avait souvent honorées de ses éloges, croyaient se reconnaitre dans tous les portraits de ses bergères, le reste se lisait dans ses yeux, et tous les amours-propres étaient satisfaits. Madame de Saverny, qui n’entendait rien à toutes ces finesses, trouva simplement que M. d’Émerange chantait bien ; mais elle n’osa le lui dire, tant la simplicité de ce compliment aurait paru froide, en comparaison de l’exagération des éloges dont on se plaisait à l’accabler.

Madame de Saverny ne savait pas encore combien le silence d’une seule personne peut gâter un succès. Elle aurait pu s’en apercevoir, si elle avait remarqué de quel air le chevalier répondait aux choses flatteuses que lui adressait madame de Nangis. Sa distraction et son mécontentement étaient visibles ; il ne pardonnait point à une femme de province de ne pas être transportée du plaisir de l’entendre, et se disait : Il n’est pas douteux que cette belle veuve ait pour adorateur quelque petit gentilhomme des environs de son château, à qui elle a promis en partant de ne s’amuser de rien dans son absence ; je suis sûr qu’elle va lui écrire demain que je l’ai ennuyée