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Page:Nichault - Anatole.djvu/39

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étaient toutes accueillies ; madame de Nangis les interprétait d’autant plus en sa faveur, que le chevalier redoublait de flatterie pour elle.

Un soir que ces dames étaient presque seules, il les surprit à rire d’une visite fort ridicule qu’elles venaient de recevoir.

— Je crois que c’est par égard pour moi, disait Valentine à sa sœur, que vous attirez chez vous ces sortes de caricatures. Vous pensez me rendre mes plaisirs de Nevers ; eh bien, vous vous trompez : nous n’avons en province rien d’aussi parfait que cela.

— Je ne sais pas, dit M. d’Émerange, quels sont les originaux qui ont le bonheur d’exciter ainsi votre gaieté, mais je défie bien Nevers d’en avoir d’aussi ridicules que ceux qu’on rencontre tous les jours à Paris.

— Eh bien, je gage, dit madame de Nangis, que vous allez reconnaitre les nôtres !

— Ah ! je les devine, reprit le chevalier, n’est-ce pas ce grand niais de baron, qui traduit l’allemand sans l’avoir appris, et fait des vers sur le oui, le non, le si, le car, enfin sur tous les monosyllabes de la langue française. Sa petite femme a des yeux rouges, et des mains noires, dignes d’exercer la muse de son mari. C’est lui qui imagina un jour de s’habiller en sauvage pour jouer un proverbe qu’il avait composé en l’honneur de la fête de la jolie duchesse de R… Il avait emprunté, pour ajouter à la vérité de son costume, une perruque de bête féroce, qui produi-