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Page:Nichault - Anatole.djvu/70

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l’amour seul devait causer ses peines. Peut-être avait-il été indignement trahi, et s’était-il juré de fuir toutes les occasions de se laisser de nouveau séduire : sa retraite était la suite de cette résolution : et Valentine trouvait qu’un tel motif expliquait fort clairement tout ce qui lui avait paru si étrange jusqu’alors.

— Si j’étais trompée, se disait-elle, je voudrais comme lui me soustraire aux yeux de tout le monde, et même à la reconnaissance que l’on voudrait me témoigner ; je ne verrais partout que perfidie.

C’est ainsi que l’on trouve toujours le moyen de justifier les manies des gens qu’on favorise. En réfléchissant un peu mieux, Valentine aurait vu que ce projet de retraite absolue s’arrangeait mal avec sa rencontre à l’Opéra ; bien que ce soit assez la mode de nos misanthropes modernes de haïr les hommes sans pouvoir se passer de leur société, et de fuir les femmes sans manquer un jour d’Opéra ; cependant il est rare d’y rencontrer celui qui cherche la solitude ; et madame de Saverny aurait s’attendrir un peu moins sur les malheurs d’un amant accessible à de pareilles distractions. Mais à l’âge de Valentine, on raisonne avec son imagination, et l’on calcule d’après son cœur ; elle se dit qu’Anatole avait été au spectacle par complaisance, qu’il ne l’avait si tendrement regardée que par curiosité, et ne s’était généreusement exposé pour elle, que par humanité et dégoût de la vie.