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Page:Nichault - Anatole.djvu/83

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billet qu’il venait de recevoir, où se trouvaient mêlés des vers adressés à Lavater, et qu’il croyait dignes de lui. « De qui sont-ils ? » demandèrent aussitôt plusieurs personnes, car pour un grand nombre de gens, le jugement qu’on doit porter sur un ouvrage est tout entier dans le nom de l’auteur. Le commandeur répondit que le billet était d’un de ses amis, qui s’excusait de ne pouvoir profiter de l’honneur de dîner avec ces dames, et que les vers étaient anonymes. On voulut les connaître. Madame de Réthel fut chargée de les lire. C’était un parallèle de Fénelon et de Lavater, où les plus nobles pensées étaient exprimées avec autant d’énergie que de grâce ; cet éloge semblait être plutôt le jeu d’une imagination qui aime à comparer que l’œuvre de ce démon de flatterie qui inspire tant de madrigaux, et l’on devinait, en lisant ces vers, que l’auteur les avait faits bien plus pour son plaisir que pour vanter le génie de Lavater. Ils obtinrent tous les suffrages ; après les avoir entendus, on voulut les lire, et lorsqu’ils arrivèrent à madame de Saverny, elle ne réussit pas à cacher sa surprise, en reconnaissant que ces vers avaient été tracés de la même main que la lettre d’Anatole. Le mouvement involontaire qu’elle fit fut remarqué de tout le monde : on devina qu’elle avait reconnu l’écriture de l’auteur, et pour la première fois elle se félicita d’ignorer son nom de famille, afin d’affirmer avec plus d’assurance qu’elle ne le connaissait pas.