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Page:Nichault - Laure d Estell.djvu/68

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ne pouvoir retenir mes larmes ; mais combien ces larmes étaient douces et qu’elles différaient de celles qui ont tant de fois inondé mon visage depuis plus de dix mois : chère Juliette, je ne plaindrais pas les êtres affligés d’une grande sensibilité, si elle n’était jamais à l’épreuve que de telles sensations ; mais elles sont aussi rares que le malheur est commun, et cette réflexion empoisonne le charme qu’on trouve à s’y livrer.

Cette action me paraît au-dessus de toutes celles que peut dicter la bienfaisance : on croit ordinairement que le sacrifice d’une somme souvent superflue à celui qui la donne, est un effort sublime. S’il en était ainsi, la pauvreté rendrait cette vertu impossible, et le degré de fortune rendrait aussi plus ou moins bienfaisant ; mais s’intéresser au sort d’un malheureux accusé, défendre son honneur flétri par la calomnie, l’arracher au désespoir en lui faisant obtenir justice, voilà ce dont est seul capable l’homme vertueux ; le riche fait l’aumône, l’autre fait des heureux.

Madame de Varannes a répondu à sir James par un billet, où elle parle beaucoup de la peine qu’il s’est donnée pour lui faire recouvrer son argent et ses bijoux, comme si c’était de cela qu’il se fût occupé. Elle lui a promis de rendre à Philippe sa place ; et moi ne trouvant pas cette réponse à mon gré, ne me suis-je pas avisée d’y ajouter quelques mots.