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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/147

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qu’il lui en coûtera pour être comtesse. La belle Aglaure, avec qui nous avons été élevées, n’a-t-elle pas eu la même fantaisie ? Eh bien, demandez-lui ce qu’elle a souffert chaque fois qu’elle entendait dire derrière elle : « Comment se peut-il que la fille de monsieur…, la nièce d’un monsieur…, se trouve ici à côté de nous ? Vraiment c’est une honte, » et cent propos aussi gracieux. Enfin, ces dames de la cour l’ont si mal reçue quand elle a voulu se placer près d’elles comme son rang lui en donnait le droit, qu’elle a fini par ne plus aller au cercle, et qu’elle a été s’enterrer dans un vieux château, pour s’y mettre à l’abri de toutes les humiliations dont on l’abreuvait à la cour. Ah ! ce n’est pas moi qui ferai jamais un semblable mariage. Il faudrait que je rencontrasse un jeune homme bien séduisant, et qu’il me fît tourner la tête, pour me décider à payer son nom par tant de sacrifices.

En disant ces mots, mademoiselle Félicie B… lançait un doux regard au jeune comte d’Erneville, qui affectait de ne pas s’en apercevoir ; car le premier principe d’un homme qui veut devenir à la mode est de paraître blasé sur les agaceries qu’on lui fait : les plus savants vont même jusqu’à dédaigner visiblement ce qu’ils convoitent en secret. Ainsi que de fameux agricoles, ils sacrifient les premiers fruits pour doubler plus tard la récolte.

Mais deux portes s’ouvrent, on se précipite vers une