Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/171

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dont le cœur délicat eût compris toutes les qualités du sien. Maurice avait seul le pouvoir de le blâmer en face, il ne montrait qu’à lui son âme tout entière ; et la certitude de posséder son estime le rendait invulnérable aux atteintes de l’envie et de la malveillance que sa gaîté railleuse lui attirait. Sa confiance en lui n’était limitée par aucune considération. Il l’aimait au point d’avoir tort à ses yeux sans en être humilié. C’était à la fois sa conscience et sa consolation ; et ce trésor d’amitié dont il jouissait depuis tant d’années sans que jamais la crainte de le perdre en ait altéré le charme, il lui était ravi sans qu’il osât s’en plaindre. Un secret s’élevait entre lui et Maurice, et ce tiers importun les séparait plus que n’eût fait le ressentiment ou l’absence.

Cependant Albéric espéra triompher des inconvénients attachés à cette situation, en laissant Mathilde l’arbitre de leur amour. — Sans doute, pensait-il, elle sait que Maurice l’aime, et son choix est déjà fait ; mais si l’amitié m’ordonne de ne rien tenter pour l’emporter sur mon ami, elle ne va pas jusqu’à me prescrire le refus d’un bien qui ne lui est pas destiné : c’est déjà tant sacrifier que de renoncer au désir de lui plaire, et de s’interdire tous les soins qui lui prouvaient ma constance. Vraiment c’est dommage, je me sentais déjà si honteux des défauts qu’elle blâme, si ambitieux d’acquérir les qualités qu’elle préfère ! Ah ! le ciel ne veut pas ma conversion puisqu’au moment