Aller au contenu

Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

duire tout l’effet qu’on devait attendre de tant de soins et de luxe. Pendant que la mariée passait de l’impatience au ravissement de se trouver si belle, sa mère, debout à côté de la glace où se mirait sa fille, la regardait en silence en essuyant une larme qui s’échappait de ses yeux ; car sa vanité maternelle cédait en ce moment aux regrets, aux tristes pressentiments qui font trop souvent dans ce jour solennel le supplice d’une mère. Sans avoir assez d’esprit pour analyser le bonheur des gens du monde, madame Ribet savait que le sien n’avait rien gagné à l’immense fortune qui la plaçait parmi eux, et malgré l’extrême modestie qui lui laissait présumer que l’éducation brillante, les agréments de sa fille la mettraient à portée de profiter mieux qu’elle des avantages de sa position, son bon sens lui disait qu’elle aurait été plus heureuse de l’amour d’un mari aimable que des titres vains qui allaient la livrer au dédain de sa nouvelle famille et à l’implacable envie de ses pareils.

Enfin l’on vint avertir la mariée qu’on n’attendait plus qu’elle ; il fallut mettre à la hâte le bouquet présenté par Rodolphe, dont l’air ébahi semblait dire : « Quoi ! cette femme si richement parée est à moi ! » Cependant le comte d’Erneville voyait journellement des personnes élégantes, mais il en était dédaigné au point de lui ôter toute idée de chercher à leur plaire, et dans son humilité une semblable possession lui paraissait un rêve. D’ailleurs il était franchement amou-