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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/205

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— Vraiment, je le crois bien, interrompit la baronne ; les gens de sa sorte n’ont pas besoin d’aveu pour se croire adorés. Ils prennent le moindre signe de crainte ou d’embarras pour une déclaration, et ils partent de là pour traiter la femme qu’ils feignent d’adorer comme une propriété ; ils défendent, sous peine de mort, à tout autre de chercher à lui plaire ; et celles qui sont assez faibles pour tolérer ce despotisme, passent, avec raison, pour l’autoriser aux dépens de leur honneur.

— Ah ! s’il faut qu’une conduite sans reproche soit ainsi interprétée, s’écria Mathilde, si rien ne doit mettre à l’abri de soupçons flétrissants dans ce monde méchant où vous m’avez forcée de vivre, laissez-moi m’en éloigner pour jamais.

— C’est trop vous affliger toutes deux, dit alors madame de Méran qui voyait sa cousine prête à succomber à la douleur qui l’oppressait ; rien de ce que vous redoutez n’existe peut-être : on se plaît à inventer tant de fables ! Je vais de ce pas chez madame de Voldec, j’apprendrai là tout ce qui s’est passé ; vous, ma chère tante, écrivez un mot au maréchal de Lovano, ou plutôt à M. de Lormier. Celui-ci devait déjeuner ce matin avec le duc de L…, et vous saurez tout par lui exactement ; il n’est pas homme à retrancher ou à ajouter au moindre fait.

Alors madame de Méran entraîna la baronne, qui ne cessait de répéter ses imprécations contre Albéric,