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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/232

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mour qu’elle lui avait inspiré un moment l’emportait sur celui de sa perfidie…

Un philosophe a dit que, pour en moins souffrir, il fallait s’établir dans son malheur. Madame de Lisieux suivit ce précepte ; et désespérant de se guérir d’une passion qui résistait à des torts aussi graves, elle cessa de la combattre. Le souvenir continuel des tourments qu’elle lui avait dus parut à Mathilde le meilleur préservatif contre toute la faiblesse de son âme, et elle ne pensa plus qu’à se choisir une retraite agréable où elle pourrait se livrer au regret d’un bonheur que le monde ne devait plus lui offrir.

Ce projet était trop en opposition avec ceux que la baronne formait sur la destinée de sa nièce, pour que Mathilde lui en fit part ; mais elle espérait que, lassée par une persévérance invincible, madame d’Ostange abandonnerait l’idée de vouloir remarier sa nièce, et qu’elle finirait par venir habiter avec elle la maison qu’elle comptait acheter sur les bord du lac de Genève.

Malgré cette horreur du monde et le vif désir de s’en éloigner pour toujours, Mathilde se sentit oppressée par un sentiment douloureux, lorsque sa voiture l’entraîna hors des murs de Paris. L’idée de n’y plus rentrer l’affligeait, et pourtant elle eût été plus malheureuse de l’obligation d’y rester. Qui n’a pas connu ces inconséquences d’un cœur malade, ces regrets de ce que l’on ne veut plus, ces terreurs de ce qu’on