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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/236

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vous aime à travers un monde où la protection d’un mari brave et spirituel est si nécessaire ; enfin, l’idée d’être sa providence vous rattachera à la vie : on est si vite heureux du bonheur qu’on donne !…

— Mais, pour se consacrer à de semblables soins, il ne faut pas vivre d’une seule pensée, il ne faut pas être enchaîné par sa volonté, par son désespoir même au culte d’un être qu’on a divinisé. Vous connaissez mon cœur ; s’il n’a pas su feindre avec vous, qui ne pouviez lui répondre, garderait-il son secret avec celle qui aurait le droit de s’en plaindre ? Non, je me priverais par là du seul bien qui me reste, de la liberté de mes regrets.

— Combien vous m’affligez ! dit Mathilde en baissant ses yeux mouillés de larmes… N’était-ce donc pas assez de mes chagrins, sans avoir à me reprocher…

— Ah ! ne vous reprochez pas un tourment qui soutient ma vie ! Sans vous, sans le douloureux plaisir de tout immoler à votre repos, au moindre vœu de votre cœur, je ne saurais que devenir. Depuis le jour où je vous ai vue pour la première fois, vous avez dirigé toutes mes actions, vous en serez malgré vous l’éternel arbitre ; et ne pensez pas qu’il entre dans cet aveu une lueur d’espérance ; car, je vous le jure, si vous pouviez sacrifier le sentiment qui remplit votre âme au faible intérêt que je vous inspire, tant de légèreté m’indignerait ; vous ne seriez plus à mes yeux qu’une femme ordinaire, et je cesserais de vous…