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Page:Nichault - Leonie de Montbreuse.djvu/46

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qu’on me faisait ; j’étais en veine, et je méritai les applaudissements. On vanta mon talent, ma complaisance ; la joie brillait dans les yeux de mon père, ma tante m’embrassait, et M. Alfred disait :

— Que je m’en veux d’avoir abandonné la musique. Si j’avais mieux écouté les leçons de ce vieux italien je serais en état d’accompagner ma cousine. Voilà le premier regret que j’en éprouve ; car, au métier que je fais, on peut à la rigueur se passer de savoir soupirer la romance. Au total, je me suis arrangé pour avoir bien peu de chose à regretter en moi, le jour où il plaira au canon de m’enlever ; mais je n’aurais pas été aussi indifférent sur les moyens de plaire, ajouta-t-il en se tournant vers moi, si j’avais prévu que je fusse destiné à vous aimer autant.

Ces derniers mots, le ton mystérieux, le regard expressif qui les accompagnèrent mirent le comble à mon ivresse. J’oubliai les avis de mon père, je les mis sur le compte d’une prévention mal fondée, et je me crus choisie par le ciel pour réparer son injustice. Je jouis pendant cette soirée de tous les plaisirs dont peut