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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/114

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moiselle de Valbonne, justifiait assez la crainte qu’éprouva Gluck après l’avoir composé : Je viens de me damner, dit-il, et je pense qu’il aurait pu ajouter, avec beaucoup d’autres ; car indépendamment de son salut qu’il croyait hasardé, cette tendre production a troublé le repos de plus d’une âme. La musique est souvent complice de l’amour ; et des yeux qui se rencontrent au moment où les plus douces voix répètent, aimons-nous, sont déjà sous le charme.



XXIII


— Eh bien, me dit Gustave en rentrant, es-tu content de ta soirée ?

— Mais, répondis-je, j’ai vu des choses fort amusantes.

— Ah ! tu vas au concert pour voir, toi ?

— Quand cela serait, je ferais comme bien des gens.

— Il faut être juste, il s’en trouve peu de cette espèce les jours où Garat chante ; rien ne distrait du plaisir de l’entendre.

— Non ; mais on y peut joindre celui de contempler de jolies femmes, n’est-ce pas 9

— Et s’en est-il trouvé beaucoup du goût de M. Victor ?

— Ah ! je suis assez difficile ; cependant j’en ai remarqué deux ou trois qui m’ont paru dignes de mon suffrage.

— Je leur en fais mon compliment ; madame M*** est sans doute du nombre ?

— Non, je n’aime pas la beauté imbécile.

— Ah ! tu veux aussi de l’esprit.

— Pourquoi pas ? Les visages spirituels ne sont point rares en France, et il faut avoir bien du malheur pour en rencontrer un si stupide ; mais vous avez sans doute été frappé autant que tout le monde de celui d’une jeune femme dont chacun parlait à côté de moi.

— Eh ! qu’en disait-on ? demanda vivement Gustave.

— Mais ce qu’on dit de toutes les jolies femmes, du mal et du bien.

— Du mal ? et que lui reprochait-on ?