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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/150

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où Germain arrivera. Va dire au général que mes chevaux n’étant point encore ici, je ne puis avoir l’honneur de l’accompagner.

La commission faite, je revins dire à mon maître que le général mettait à sa disposition toute son écurie, et qu’il espérait bien l’en voir user ce jour même dans la promenade qu’il comptait faire avec lui après leur dîner. Il n’y avait pas moyen de refuser ; j’engageai Gustave à prendre son parti gaiement, et, profitant du cheval de suite que l’on avait bridé pour moi, je me mêlai sans fierté au groupe de laquais équestres qui suivit la cavalcade.

Elle était composée de plusieurs officiers distingués, et d’un autre aide de camp du général qu’il présentait à chacun comme son fils adoptif. On se disait tout bas que ce titre lui était bien dû ; ce jeune homme, d’une figure douce et intéressante, était timide, silencieux, et rougissait toujours en voyant paraître madame de Verseuil ; mais son air embarrassé n’avait rien de gauche, et laissait seulement supposer qu’il enviait un peu trop le bonheur de son père. À peine étions-nous à une lieue de Nice, que le général s’écria :

— Je les aperçois, je crois. Oui, c’est bien sa berline. Je reconnais La Pierre, c’est lui qui court à cheval près de la voiture. Décidément les voilà.

Gustave, qui les avait reconnus bien avant lui, ralentit son pas pour rester à quelque distance des officiers qui voulaient partager l’empressement de leur général. Comme chacun se mit au galop, je feignis de ne pouvoir retenir mon cheval, et, par ce moyen, je me trouvai près de la voiture en même temps que M. de Verseuil ; le major, qui descendit le premier, lui tendit la main, et, soutenant de l’autre Athénaïs, nous la vîmes se jeter dans les bras de son mari avec toute l’effusion d’une tendresse extrême. Le général ne mit pas moins de faste dans ses embrassements, et si chacun de nous ne revint pas intimement convaincu de l’amour qui unissait M. et madame de Verseuil, cène fut certes pas de leur faute.

Athénaïs subissait une nouvelle caresse de son vieil époux, lorsque mon maître nous rejoignit. Son apparition glaça tout à coup l’air animé d’Athénaïs ; elle s’arrêta au milieu d’une