Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/160

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Ce ne fut pas sans beaucoup de peine qu’ils parvinrent jusqu’à lui. Le peuple, les soldats, obstruaient tous les passages. Chacun voulait voir ce nouveau César, qui n’avait qu’à se montrer pour vaincre. Mêlé dans la foule, j’entendais les réflexions les plus contraires :

— Quel homme inconcevable ! disaient les uns.

Maledetto bambino ! murmuraient les autres.

— C’est un dieu !

Quest’ è il diavolo !

Et tous ces discours étaient couverts par les cris de Vive Bonaparte !

— J’envoie demain vingt drapeaux à Paris, dit-il à Gustave ; je sais comment vous en avez reconquis un, que nos soldats blessés ne pouvaient plus défendre : ce trait sera mentionné. N’est-ce pas là votre première affaire ?

— Oui, mon général.

— Eh bien, tenez ce qu’elle promet, et vous serez bientôt digne de commander à ces braves, ajouta-t-il en montrant les troupes qui l’entouraient.

Puis, s’adressant à d’autres officiers, il leur donna des encouragements, des ordres, et leur inspira tant de confiance dans leur propre valeur, qu’il laissa dans tous les esprits la ferme assurance des nouveaux succès qui allaient bientôt nous livrer l’Italie.



XXXV


Tout n’est pas plaisir dans la victoire, et l’honneur d’entrer en triomphateur dans une ville conquise est cruellement acheté par la vue des horreurs qui s’y commettent. Cependant Bonaparte, qui savait combien, pour une petite armée surtout, la discipline est nécessaire, tenait à ce qu’elle fût rigoureusement observée parmi ses soldats. Mais, après avoir si longtemps manqué de tout, il était impossible de les empêcher de se refaire un peu aux dépens de l’ennemi ; et c’était le paisible bourgeois, qui n’avait ni fait ni voulu la guerre, qui en supportait toutes les charges.