Aller au contenu

Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à découvrir le cercueil, lorsqu’une femme voilée lui apparaît et dit :

— Arrête, malheureux ; viens-tu l’outrager encore ? N’a-t-elle donc pas trouvé un asile contre toi dans ce tombeau où tu l’as plongée ? Ah ! respecte au moins sa cendre.

— Stephania, est-ce toi ? s’écria Gustave, l’esprit troublé par cette apparition ; Stephania, me voici…

Et il tombe anéanti sur le cercueil entr’ouvert. Le bruit de sa chute retentit jusqu’à moi. J’accours, et j’aperçois Léonore près de lui.

— Ah ! madame, lui dis-je, prenez pitié de ses regrets ; ne les aigrissez pas par d’inutiles reproches. Vous le voyez ; il succombe à son désespoir ; ne soyez pas moins généreuse que celle qu’il pleure autant que vous.

Léonore était bonne et sensible ; l’état de Gustave excita sa compassion, et elle oublia son ressentiment pour lui adresser quelques paroles consolantes :

— Puisque vous êtes malheureux, lui dit-elle, puisqu’elle vous pardonne, je ne puis vous haïr… Allons, prenez courage, et vivez pour la regretter toujours. Voilà, ajouta-t-elle, la boîte que je venais déposer ici par son ordre ; elle vous est destinée ; recevez-là de la même main qui a fermé ses yeux.

Gustave se jetant sur cette main l’arrosa de larmes. Alors je conjurai Léonore de l’arracher à ce triste lieu. Il consentit à la suivre dans l’espoir d’entendre de sa bouche le récit des derniers moments de Stephania ; et, malgré la triste scène qui nous avait émus tous trois dans ce séjour de mort, nous en sortîmes l’âme moins oppressée.

Au milieu de ce beau sépulcre s’élève une église en forme de croix, où les malheureux qui restent vont prier pour leurs parents morts. C’est assise près de ce monument que Léonore raconta à mon maître comment l’infortunée Stephania avait hâté la fin de son supplice avec le secours d’un poison subtil qui lui avait été vendu par une vieille Sicilienne. Ce poison, renfermé dans une bague, ne quittait point le doigt de Stephania. Personne qu’elle n’était dans le secret de cette cruelle ressource ; et quand elle avoua l’usage qu’elle en venait de faire, il n’était plus temps d’en prévenir l’effet. De tous les détails