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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/239

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nouvelles. C’était lui rappeler que madame de Verseuil ne lui avait témoigné aucun intérêt dans cette circonstance, et l’obliger à en faire la remarque. C’est ce que j’attendais pour lui raconter la visite nocturne qu’elle m’avait faite le soir même du jour où il s’était trouvé en danger. Malgré tous ses soins à le dissimuler, je vis la secrète joie que lui causait cette démarche ; je pressentis que la cause de sa douleur présente en pourrait seule devenir la consolation ; et je n’eus plus d’autre idée que de hâter ce moment heureux par tous les moyens possibles.

J’avais promis à madame de Verseuil de l’informer de l’état de mon maître ; en conséquence, je me rendis chez elle à l’heure de sa toilette. Julie, qui avait repris son service, m’introduisit chez sa maîtresse. Dès qu’elle m’aperçut, elle me dit d’un ton piqué :

— Votre maître va sans doute beaucoup mieux, puisqu’il est sorti ce matin ?

Alors je lui expliquai le motif qui avait conduit Gustave au sépulcre del Foppone, et j’exagérai un peu la fièvre qu’il en avait rapportée ; j’allai jusqu’à témoigner de vives inquiétudes sur les suites d’une tristesse si profonde, et lui laissai entendre qu’il y aurait quelque gloire à en triompher. Tout en m’écoutant, madame de Verseuil semblait méditer un projet dont l’exécution était difficile ; elle y rêvait encore lorsque je cessai de parler, et elle me dit :

— Si j’étais certaine que mon amitié fût de quelque secours à votre maître, je n’hésiterais pas à lui offrir… tous… les soins…

— Ah ! madame, interrompis-je en voyant la peine qu’elle avait à exprimer sa pensée, si vous daigniez le voir un instant, si vous lui reprochiez de s’abandonner à un repentir funeste, il céderait, je n’en doute pas, aux conseils de votre amitié ; il voudrait vivre pour la conserver, et vous sauveriez peut-être un grand malheur à madame de Révanne.

— S’il est vrai, reprit-elle vivement, pourquoi de misérables considérations m’empêcheraient-elles de remplir un si noble devoir ? Mais, mon cher Victor, votre zèle vous abuse peut-être ; vous me supposez plus d’empire que je n’en ai sur