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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/285

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— Ainsi, pensai-je, le souvenir des erreurs passe ; celui de la bonté reste.

L’heure s’avançait : il fallut m’arracher aux douces sensations que faisait naître en moi ce paisible séjour. Sans le désir de revoir bientôt mon maître, je crois que j’aurais passé la nuit dans le jardin où Rousseau avait établi son comique observatoire : trop heureux d’entendre dire le lendemain que le sabbat se tenait encore dans la maison de M. Noiret.



LVII


En revenant des Charmettes, j’allai me promener sur la route du Piémont, dans l’espoir d’y rencontrer la voiture de Gustave. En effet, je ne fus pas longtemps sans voir arriver au galop l’ami Germain. Il m’apprit que monsieur voyageait avec l’aide de camp Bessières, que tous deux seraient dans une demi-heure à Chambéri, et que monsieur lui avait bien recommandé de les faire descendre dans une autre auberge que celle où je devais lui avoir retenu un logement. Je compris, à cette recommandation, que mon maître voulait laisser ignorer à son camarade que madame de Verseuil fût à Chambéri et j’allai l’attendre avec Germain à l’hôtel de Genève. À peine y fut-il descendu, que prétextant la nécessité d’aller rendre visite à d’anciens amis de sa mère, Gustave prit congé de son compagnon de voyage, en lui promettant de se trouver à l’heure convenue pour se remettre en route.

Je le conduisis alors chez madame de Verseuil. Pendant le court chemin que nous fîmes, il me remercia de mes soins pour sa chère Athénaïs ; mais, tout en me parlant du bonheur de la revoir, tout en me questionnant sur elle, je lui trouvai un air soucieux que j’attribuai à l’ennui qu’il éprouvait chaque fois qu’il était contraint de mentir, et de donner à ses actions toutes les allures de l’intrigue. Je n’avais que le meilleur compte à lui rendre de la conduite de madame de Verseuil, depuis qu’il l’avait remise à mes soins ; mais je ne