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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/294

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cès militaires, on veut lui en prêter de honteux, et faire d’un brave officier un fat à la mode ; mais j’ai répondu comme il le fallait à toutes ces balivernes. J’ai bien fait, n’est-ce pas ? demandait M. de Saumery à Gustave qui gardait le silence. Cependant comme la méchanceté ne brode que sur du canevas, je veux savoir de vous, mon ami, ce qui a pu servir de fond à tous ces beaux romans.

— En vérité, monsieur, répondit Gustave avec embarras, je ne mérite pas que l’on s’occupe autant de moi, et vous m’obligeriez infiniment en priant les personnes qui prennent à mes affaires un intérêt si charitable de se mêler des leurs.

— J’en étais bien sûr, répliqua M. de Saumery ; tous ces caquets n’ont pas le sens commun. Je sais fort bien.

      Qu’un seul jour ne fait pas d’un mortel vertueux,
      Un perfide assassin, un lâche incestueux.

Et d’ailleurs, mon cher ami, je vous ai vu trop amoureux d’un être angélique pour ne pas vous croire longtemps à l’abri du manège de nos femmes galantes. « 

Chacun de ces mots était pour Gustave une sentence mortelle, et il s’efforça de rompre la conversation ; mais dès qu’il fut parvenu à la faire changer de sujet, il tomba dans une profonde rêverie. Sa mère remarqua son abattement, et l’attribuant aux fatigues du voyage, elle engagea son fils à se reposer ; alors on se sépara pour se réunir le lendemain avant la présentation des drapeaux.

Je passai une partie de la nuit à nettoyer l’habit et les armes de mon maître ; je voulais qu’il parût éclatant de beauté, de jeunesse, de gloire, au milieu de cette assemblée solennelle, et je fus très-étonné de le voir si triste le jour où il allait s’offrir aux yeux de tout Paris, chargé des trophées de l’armée d’Italie.

— Ah ! pour cette fois je vous trouve injuste, lui dis-je en voyant son regard sombre, et j’ose vous affirmer que quel que soit le sujet qui vous préoccupe, il est indigne de troubler la joie d’un semblable moment. Songez donc, monsieur, que c’est au bruit des acclamations de ce peuple, pour lequel vous avez combattu, que vous allez recevoir les remercîments de