Aller au contenu

Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourquoi des regrets déchirants, des regrets éternels me l’ont-ils révélé ?

« Dans toutes les jouissances de la vie, il n’est rien qui puisse compenser le désespoir de voir mourir ce qu’on aime[1]. »



LX


Pendant que mon maître partageait ses journées entre sa mère, sa maîtresse, ses amis et ses plaisirs, Bonaparte s’avançait à grands pas vers les États de Venise, et de nouveaux exploits rappelaient Gustave à l’armée. Déjà l’époque de son départ était fixée, et chacun de nous voulait employer le peu d’instants que cet intervalle lui laissait pour traiter l’affaire qui lui importait le plus. Madame de Verseuil, qui s’était empressée d’accomplir toutes les formalités exigées par la loi, venait de faire prononcer son divorce. Tout aux intérêts de son avenir, elle ne songeait qu’à lier Gustave par de tendres serments, et par la promesse solennelle de l’épouser le jour même où, le délai d’un an expiré, il lui serait permis de contracter un autre mariage. Par cette précaution, elle s’ôtait toute inquiétude sur son sort ; car, lors même que M. de Révanne deviendrait parjure à son amour, elle était bien certaine qu’il resterait fidèle à sa parole. De son côté, Gustave, en s’engageant par tout ce qu’il y a de plus sacré à devenir l’époux d’Athénaïs le 5 mars 1798, exigea d’elle le sacrifice des liaisons qui lui causaient de l’ombrage. Il voulut que cette année, consacrée à la retraite, fût comme le noviciat qui prépare à des vœux éternels, et qu’après avoir réparé aux yeux du monde un tort grave par une conduite irréprochable, elle pût reparaître, au milieu de ce monde sévère, riche de toutes les qualités qui font pardonner une faiblesse ; mais, pour satisfaire à cette sage condition, il fallait renoncer aux fréquentes visites de M. Salicetti, aux présentations des jeunes gens à la mode, qui ne

  1. Corinne.