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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/311

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— Et je ne l’ai pas deviné ! ces yeux bleus que je reconnais maintenant ne l’ont pas trahi… Je ne l’ai pas dévoré de caresses !… C’est ta faute aussi, pourquoi me priver d’un si grand bonheur ?

— Et comment supposer que vous ne le goûtiez pas ? À moins d’étouffer ce pauvre enfant, vous ne pouviez guère l’embrasser davantage.

— Ah ! si j’avais su que ce fût… mais je l’ai pris pour un enfant du voisinage : son sourire, sa gentillesse, m’ont attiré près de lui ; il me tendait ses petits bras, il voulait caresser mon cheval, j’ai joué avec lui, et je me suis amusé de ses cris joyeux jusqu’au moment où Alméric est venu me prendre. Ah ! si j’avais su tous mes droits sur ce petit ange !

— Qu’auriez-vous fait de plus ?

— Je l’aurais emmené avec moi !

— Où cela ? à la guerre ? Vraiment, monsieur, nous en aurions été fort embarrassés.

— Je l’aurais confié à quelque brave nourrice qui l’aurait élevé sous mes yeux.

— Au quartier général ?

— Eh ! non, reprit en souriant Gustave, mais dans un joli village aux environs de Mantoue.

— Dont nos troupes sont déjà sans doute fort éloignées.

— Et j’aurais été le voir tout le temps que je ne me serais pas battu.

— Cela me paraît fort bien arrangé ; mais pendant que vous auriez joué avec l’enfant, que serait devenue la mère ?

À cette question, Gustave ne trouva rien à répondre ; et, après un moment de silence, il me demanda si Louise m’avait parlé de la maladie dont on craignait que madame de Civray ne fût menacée.

— Elle était moins souffrante lors de notre départ, lui répondis-je. Il y a des hasards bienfaisants ; Louise avait remarqué qu’elle se portait mieux depuis le jour où, cachée derrière la persienne, elle vous a vu caresser cet enfant.

— Lydie était à Paris ! chez ma mère ? dit Gustave avec étonnement ; tu prétends qu’elle m’a vu ? Traître, pourquoi ne m’as-tu pas averti de son retour ?