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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/316

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— Elle a fait défendre sa porte, pensait Gustave ; sans doute elle n’est pas seule.

Et la tête remplie de cette idée, il passa dans l’antichambre sans apercevoir le vieux Picard qui dormait près du poêle, traversa le salon, et s’offrit tout à coup aux regards d’Athénaïs. En l’apercevant elle jeta un cri de surprise et parut un moment prête à s’évanouir. Le premier mouvement de Gustave fut de la secourir, le second de chercher à deviner si cette émotion subite n’était pas plutôt causée par l’effroi que par la joie. Mais Athénaïs était seule ; sa parure négligée, les livres ouverts sur sa table, tout annonçait le projet de consacrer sa soirée à la retraite, et Gustave se sentit un peu calmé par cet aspect. Il s’excusa de son mieux sur le saisissement qu’il venait de causer, le mit sur le compte de l’impatience qu’il avait de revoir son amie, et finit par avouer que le désir de se convaincre de la fidélité d’Athénaïs à ses promesses était bien aussi pour quelque chose dans ce brusque retour.

À cet aveu, madame de Verseuil parut beaucoup moins étonnée qu’à l’apparition de mon maître, et, prenant un ton grave, elle lui dit :

— J’ai prévu les reproches que vous ne manqueriez pas de m’adresser si vous veniez à apprendre par d’autres que par moi les visites que j’ai reçues de M. de Norvel.

En ce moment Gustave abandonna la main qu’il tenait, et lança sur Athénaïs un regard indigné.

— Ne vous irritez pas, poursuivit-elle d’un air calme ; écoutez ce que je n’ai point osé vous écrire dans la crainte d’être mal interprêtée, et vous me jugerez ensuite.

— Parlez, dit Gustave en témoignant par un sourire dédaigneux toute son incrédulité.

— Je n’ai point oublié la promesse que je vous ai faite de ne point recevoir votre ami, reprit-elle, et sans trop comprendre les craintes qu’il vous inspirait, j’étais bien décidée à les respecter, lorsqu’un événement fâcheux m’a forcée d’accepter ses services. L’été dernier je me promenais suivie de mon fidèle Picard dans une des allées solitaires des Champs-Élysées. Deux soldats ivres m’accostent ; Picard veut me protéger contre eux ; il en reçoit un coup dans la poitrine qui le