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Page:Nicolaï - La loi du Sud, 1946.djvu/100

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LA LOI DU SUD

« Je la montrerai à Cestrières, » s’était-il dit, sitôt son exploit consommé d’une main tremblante.

Il leva les yeux et rencontra le regard de son ami. Une haine inattendue qui les étonna eux-mêmes, bouleversa leurs visages. Fouque haïssait celui qui venait de dédaigner son présent et Cestrières celui qui avait vilainement rompu son rêve.

Depuis le matin, il était lourd d’un secret. Il devait, après la classe, rejoindre Claire et canoter avec elle sur le Doubs. Et c’était juste le jour que choisissait Fouque pour lui montrer cette chair moelleuse et ce sourire bassement complaisant. Qu’il ait pu, à la minute où il pensait à Claire, voir cela, lui semblait un sacrilège.

Fouque attendait Cestrières à la sortie. Celui-ci, malgré l’impatience qui lui donnait des fourmillements dans tout le corps, avait décidé de sortir le dernier. C’était le meilleur moyen d’échapper aux autres.

Fouque bondit sur lui, le regard mauvais, la bouche molle.

— Qu’est-ce qui te prend ?… Tu vas m’expliquer… dit-il en s’avançant très près.

— Je suis bien libre de ne pas aimer les cochonneries.

— Oh ! là ! là ! c’est nouveau alors… Enfin, si tu veux faire ton puceau, à ton aise.

— Merci de la permission !

Dans le tram, il aperçut ses yeux brillants, ses cheveux en désordre. Naturellement, il avait oublié son peigne ! Avec irritation, il passa ses mains dans sa toison bouclée. Puis il se regarda dans une vitre qui faisait miroir. C’était déjà mieux.

Une femme aperçut son manège et lui sourit gentiment. Le sourire s’adressait à ses quinze ans. Il rougit