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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/104

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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

de lui faire place ; ici, pour la première fois, on détacha cette cloche, et nous avançâmes lentement par une avenue bordée de bouleaux. Après avoir dépassé la barrière, on a encore quelques verstes à faire avant d’entrer dans la ville. Je m’aperçus qu’on nous faisait faire un circuit, qu’on tournait à droite et à gauche, et qu’on choisissait les rues les moins fréquentées. Tout cela était d’un bien mauvais augure. Enfin, la voiture s’arrêta tout à coup. Il faisait déjà nuit obscure. J’entendis un groupe de personnes se parler à l’oreille, et autant que j’ai pu distinguer dans l’obscurité, elles étaient vêtues de grosses fourrures avec de grands bonnets pareils, qui leur couvraient presque le visage. Cette conférence dura un gros quart d’heure, qui me parut un siècle. La voiture s’ouvre enfin, on me dit de descendre ; je serre la main à Fischer et lui fais mes adieux. Aussitôt que j’eus mis pied à terre, deux de ces hommes affublés de fourrures me prirent sous les bras en me serrant de près, et presque aussitôt j’entendis le bruit sourd et imposant d’un fleuve qui charriait de gros blocs de glace. Après avoir fait une cinquantaine de pas, on me fit entrer dans une barque toute couverte ; mes deux gardiens me placent sur un banc et me tiennent toujours sous les bras ; deux autres se placent à mes pieds. Les bateliers rament en silence ; je ne vois rien, je