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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/131

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INTERROGATOIRE.

d’une famille allemande, était employé à la chancellerie secrète en qualité de traducteur pour les langues étrangères. Ils m’annoncèrent qu’on venait de lire mes dépositions, et qu’on en était fort mécontent; que si je ne voulais pas travailler à ma propre perte, je devais, en écrire d’autres. En disant cela, Fuchs me remit un nouveau cahier blanc pareil au premier; il s’offrit même, pour m’épargner la peine, d’écrire sous ma dictée; mais je répondis que ne sachant rien de plus, je n’avais rien à ajouter. Il faut écrire cependant, me dirent-ils, et ils sortirent. J’écrivis donc pour leur répéter et leur démontrer encore l’impossibilité où nous étions, pendant la révolution, d’avoir des liaisons quelconques avec le dehors et les cours étrangères, et je m’efforçais de soutenir que cette révolution n’avait, pour ainsi dire, aucun secret. Je leur ai renvoyé mon cahier le soir.

Deux jours après, j’eus encore la visite du procureur général Samoilow. Il vint cette fois habillé d’une bekieche ou redingote de velours vert foncé, doublée en zibeline, avec un manchon de même; des glands d’or par devant et par derrière, et des décorations de tous côtés. Il commença par me dire qu’on avait été fort mécontent de ma déposition, que je ne leur avais rien appris de nouveau, et que de criminel je m’étais fait accusateur, en rejetant toutes les fautes sur les sujets de la grande