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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/148

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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

en marquant l’endroit avec une épingle. Il partit le 15 février 1795, et je n’ai pas besoin d’ajouter combien cette séparation me fut douloureuse.

Je puis dire que c’est vers cette époque que finirent les principaux événements de ma captivité et mes communications avec le dehors. Samoilow et Fuchs ne parurent plus du tout ; Makarow même, l’intendant principal de la prison, ne venait que tous les deux ou trois mois dans l’espace de deux années. Je ne vis donc pour ainsi dire une figure, ni n’entendis une voix humaine. Les incidents de la vie de prison arrivés pendant ce long intervalle, étaient en bien petit nombre. Un homme jouissant de sa liberté en rencontre davantage dans l’espace d’une heure ; mais il vivrait un demi-siècle dans le monde, que son imagination, son cœur, ne souffriraient, ne sentiraient peut-être pas autant que ceux d’un prisonnier isolé et abandonné à lui-même. Si j’avais à raconter toutes les idées, tous les fantômes que dans cette solitude mon imagination se créait, les peines que mon coeur souffrait, j’écrirais des volumes ; mais ces récits seraient aussi tristes qu’inutiles, et ma mémoire même répugne aujourd’hui à s’en rappeler le sujet. Je me bornerai donc ici à dire quelques mots sur mes compagnons d’infortune enfermés dans la même prison que moi, puis à ajouter quelques détails sur mon