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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/170

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vie de prison.

dans toutes les saisons, m’auraient déjà empêché de dormir, quand même j’en aurais eu bien envie. Les autres prisonniers n’avaient qu’un soldat pour leur garde ; par une distinction fort flatteuse, on en avait doublé chez moi le nombre. Il est vrai que le caporal pouvait dormir, et que ce n’était que le soldat qui était obligé de veiller. Devenu plus familier avec mes gardes, je leur ai demandé pourquoi on me surveillait si rigoureusement, même la nuit, et quand la prison était fermée de tous côtés, « C’est pour que vous ne jouiez pas quelque tour à votre âme, » me répondirent-ils. Ah ! c’est dans le silence et l’obscurité des nuits que l’imagination d’un malheureux prisonnier travaille le plus ; tous les moyens naturels et possibles de s’échapper lui étant enlevés, il en souhaite et en désire d’impossibles. Que de fois dans ces cruelles insomnies, je soupirais après les temps des miracles et des fées ! Que de fois j’ai rêvé le pouvoir de me rendre invisible et de me transporter ainsi partout ! Avec ces moyens, comme j’aurais arrangé le plan de délivrer la Pologne, de nous rendre la liberté à nous-mêmes, et de punir cette abominable Catherine, de manière à lui rendre au centuple les maux qu’elle faisait éprouver à ma malheureuse patrie !

Vers le matin, la nature épuisée reprenait ses droits, et je dormais jusqu’à sept heures ; je fai-