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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/174

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vie de prison.

Mes compagnons de captivité, ayant la disposition de leur argent, pouvaient amplement se fournir de livres, et m’en faisaient part ; leur nombre cependant, pour des solitaires enfermés pendant deux ans, n’a pas été, comme on voit, par trop considérable. On penserait peut-être qu’un homme à l’abri de toute distraction, doit retirer de ses lectures bien plus de profit que celui qui vit dans le monde ; mais cela ne me paraît pas être le cas, excepté lorsque la retraite est volontaire. Mais quand elle est forcée, quand l’esprit est agité, la mémoire troublée, l’attention fixée toujours sur nos peines, on ne jouit pas suffisamment de la lecture, on n’en profite qu’imparfaitement. Je serais cependant bien ingrat si je ne me hâtais d’avouer que c’est dans les livres que je trouvais ma plus grande ressource et ma plus grande consolation pendant toute ma captivité.

Enfin, au bout de quelques mois, on me permit l’usage de l’encre, des plumes et du papier. Quoique je me fusse fait une règle de me borner entièrement à des traductions, et de n’écrire que des choses de nature à pouvoir même être vues de mes geôliers, mon cœur débordait tellement d’idées lugubres, inspirées et par ma propre situation, et plus encore par celle de ma malheureuse patrie, que j’écrivis d’abord trois élégies : l’une sur la bataille de Maeieiowice, l’autre sur