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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/184

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vie de prison.

dans les prisons de Newgate, des scélérats, des assassins condamnés à périr sur l’échafaud, se promener des journées entières dans la cour de la prison , et même s’entretenir avec leurs parents et leurs amis. Que dis-je ! Robespierre, ce monstre de cruauté que le ciel vomit dans son courroux, permit à ses victimes de respirer l’air libre, et leur laissa la douceur d’être visitées, consolées dans leurs cachots, par leurs épouses, leurs enfants, leurs parents. Il fut réservé à la grande Catherine d’enchérir sur les cruautés de Robespierre.

Ce fut donc cette privation d’air et d’exercice qui minait le plus ma santé, m’accablait l’esprit, me rendait l’étude, la lecture, je dirai même ma propre existence, pénibles. Je ne citerai qu’un trait, qui prouvera combien cet état m’était affreux. Un jour, après diner, me trouvant dans cette disposition de dégoût et d’affaissement, ne pouvant ni lire, ni écrire, accablé, je me jetai sur mon lit et m’assoupis. A mon réveil, j’entendis sonner six heures. Eh bien ! l’idée seule d’avoir passé deux heures sans sentir le poids de mes chaînes, d’avoir, dans l’oubli de mes maux, diminué de deux heures le temps destiné à mes souffrances, parvint à remplir mon âme du sentiment d’une vraie joie.

La nécessité est mère de l’industrie. Sentant que l’exercice m’était absolument indispensable,