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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/40

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BATAILLE DE MACIEIOWICE.

sciuszko, craignant que l’ennemi ne parvint à se loger dans un village contre lequel notre gauche s’appuyait, donna l’ordre de l’incendier. Aussitôt les boulets rouges partent, des flammes, des tourbillons de fumée s’élèvent ; et les pauvres paysans de ce village se sauvant avec leurs femmes et leurs enfants éplorés, dans les bois, me rappellent une des plus cruelles scènes que j’aie jamais vues.

Vers midi le feu devint encore plus terrible : la mort volait et frappait de tous côtés, presque tous nos chevaux d’artillerie étaient tués ou estropiés ; aucun des nôtres ne quittait cependant sa place. L’ennemi était déjà à portée de fusil ; un feu terrible de mousqueterie commença alors de part et d’autre, la terre se couvrait de morts et de blessés et l’air retentissait de leurs gémissements. La grêle des balles, leur sifflement aigu, furent si continuels, que je ne conçois pas comment un seul d’entre nous put échapper. Cependant nos munitions s’épuisèrent, et nos canons se turent entièrement. Le soldat, fatigué de rester exposé sans bouger à un feu continuel de cinq heures, perdit enfin patience. La ligne placée depuis le village jusqu’à la pointe de la plate-forme, sous le commandement du colonel Krzycki, s’avance pour attaquer l’ennemi ; une décharge de canons à mitraille fait reculer et ensuite met en déroute un